Voici ce que j’écrivais il y a 1 an, un twist :
Un refuge qui trahit son nom
Le vent fort la ballote en tous sens. La pluie menace de la noyer. Elle court à perdre haleine le long d’un mur, tentant de s’abriter. Sa course rencontre soudain une fenêtre entrouverte, elle s’y engouffre sans réfléchir et se retourne pour défier la tempête :
– Encore raté, dit elle en sentant les battements de son cœur ralentir et sa respiration se calmer.
Une présence derrière elle et un violent souffle d’air qui la frôle :
– Allons bon, c’est quoi encore ?
Un homme essaie de l’attraper. Pour lui échapper elle virevolte à la limite des bras qui moulinent dans le vide. Les mains saisissent l’air moite à quelques centimètres de son corps agile. Heureusement il se fatigue vite et tombe lourdement sur un canapé délabré en grognant :
– J’t’aurai, un jour je t’aurai !
Elle se dirige sans attendre vers la cuisine. L’homme ronfle déjà quand elle passe la porte. La saleté a envahit la pièce. Les meubles entrouverts révèlent un rangement inexistant. L’évier déborde de vaisselle sale. Une odeur de fruits moisis agresse les narines. Peut lui importe le cadre, affamée elle se jette sur les restes d’une pizza premier prix qu’il a laissés sur un morceau de papier aluminium.
– Hummm, ça fait du bien, pense t’elle.
Silencieuse une forme noire entre. Un morceau de nuit percé de deux étoiles vertes. L’animal ne la remarque pas, son attention dirigée vers la gamelle posée dans un coin. Méfiante, cachée par un meuble, elle ne bouge pas pendant que les croquettes craquent sous les dents pointues.
– Vert, ma couleur préférée, se dit elle. Il ne faut pas que ce chat me voit. Il va vouloir jouer avec moi. Ils veulent toujours jouer avec moi !
Très vite le félin repu rejoint l’homme sur le canapé pour se coller à lui, son doux ronronnement se mêlant aux ronflements sourds. Elle reprend sa dégustation et se délecte du jus sucré d’une pêche à peine entamée, commencée et remise dans la coupe de fruits au milieu de la table.
– Tout va bien, cette maison est vraiment accueillante, étonnant qu’il n’y ai pas plus de monde.
– Hum, hum. N’ayez pas peur mademoiselle. Madame, peut-être ?
– Non mais ça va pas d’arriver par derrière, sans prévenir comme çà !
– Mais ! Je vous ai prévenue.
– Tu parles ! La trouille que j’ai eu. T’es qui toi ? Tu habites ici ?
– Oui. C’est chouette tu verras. Je me permet de vous tutoyer car vous avez commencé, vous permettez ?
– Ha, un beau parleur. Je vois. Mais votre vert est très attirant je dois dire, ton vert je veux dire.
– Merci, le votre aussi, heu, le tien. Suis moi, je te fais visiter mes quartiers.
– OK, mais pas de pattes baladeuses, je t’ai à l’œil !
Elle le suit dans une autre pièce. Une chambre au décor du même acabit que celui de la cuisine. Draps sales sur lit défait. Marcels, slips et chaussettes tenant debout tous seuls, avec odeur de pieds et d’aisselles tout en harmonie.
– Ouais, la chambre direct. Sous son air poli ça a l’air d’un sacré coco celui là. Mais il est vraiment craquant. Et ce beau vert rare. Charmant et craquant, va falloir faire attention ma belle! Songea t’elle.
– Voilà, c’est ici. Tout là haut… ma belle. Dit il, comme s’il avait lu ses pensées.
– Mouais, la première chose que je remarque c’est la toile d’araignée là bas dans le coin. On fait pas souvent le ménage ici. J’ai horreur des araignées. Je risque de hurler et de prévenir les autres habitants de notre présence. Ils ne t’ont jamais repéré ?
– Non, j’évite de me montrer quand ils sont réveillés. Ils dorment beaucoup et c’est normal pour un chat et un vieil homme drogué aux antidépresseurs. D’ailleurs je vais dormir à présent, tu peux rester chez moi si tu veux, y a pas de soucis.
Aussitôt dit le beau parleur se tait et s’endort. Instantanément elle se demande ce qu’elle fait là. N’est ce pas dangereux ? Elle décide n’avoir qu’une courte vie et qu’il faut en profiter. Et puis, choisir entre l’homme, le chat ou ce bel inconnu surgit de nulle part. Après un coup d’œil inquiet vers la toile d’araignée elle se laisse aller dans le sommeil près de lui.
Au réveil il est déjà dans son dernier rêve à lui promettre monts et merveilles !
– C’est vraiment un rapide, lui. Pensa t’elle.
– Bonjour belle demoiselle , tu as bien dormi ?
– Bien dormi. Merci. On fait quoi aujourd’hui ? Je ne supporte pas de n’avoir pas de programme. De quel genre es-tu, Actif ou paresseux ? Parce que tant qu’à pas être toute seule, j’aimerais bien de l’aide pour l’emploi du temps.
– T’inquiète beauté, je suis genre à avoir pieds ailés plutôt que chaussures de scaphandrier. J’ai faim, allons y.
Son quotidien devint routinier et lassant contrairement aux promesses du beau parleur. Bien sûr elle était bien nourrie, l’air était chaud, et en faisant attention à ne sortir que pendant le sommeil de l’homme et du chat tout allait bien. Un jour pourtant, en rentrant difficilement chez eux, après avoir bu un liquide jaunâtre au fond d’un verre…
– Combien sommes nous ? Lui demanda t’il.
– Juste toi et moi, deux, mais si tu vois double c’est normal. Tu n’as jamais bu d’alcool ?
– C’est quoi ? Non. Là tu as des yeux comme des boules à facettes au dessus d’un parquet de dance disco. Dit-il en souriant, la regardant langoureusement et lui lançant un millier de clins d’œils.
– Ça y est, c’est parti, j’entends les violons au fond de ta voix. Bon, si tu veux. Tu es si mignon ! Mais attrape moi si tu peux !
Là dessus elle saute de leur abri, s’éloigne de lui qui reste bouche bée, interdit, muet pour une fois. Il fini par réagir et s’élance derrière elle et la rattrape rapidement car beaucoup plus musclé. Il essaye de la saisir au vol pour la maintenir sous lui, elle s’échappe plusieurs fois et fini par se laisser faire. C’est une interminable montée au septième ciel avant de revenir dans leur abri, collés l’un à l’autre, plongeant dans un profond sommeil sans rêve.
Son quotidien n’est plus lassant mais ponctué de moments de bonheur intense qui lui font oublier de toujours avoir un programme pour s’occuper. Bientôt elle sent des changements dans son corps et le beau parleur devient très protecteur, soucieux de sa sécurité comme si elle était son trésor. Il surveille l’homme et le chat en permanence.
Un matin, dans la cuisine, elle laisse dans un endroit plein de nourriture ce qui lui pèse de plus en plus dans le ventre. Les jours qui suivent elle s’y rend plusieurs fois et voit apparaître plusieurs clones d’elle même et du beau parleur. Elle est pleine de joie. Un problème se pose toutefois, ces petits êtres ne font aucunement attention et bien que minuscules produisent un boucan infernal.
Ça ne tarde pas à réveiller le chat et l’homme. Ce dernier sort de son hébétude habituelle et court vers la porte, sortant de l’appartement pour y revenir aussitôt, tenant quelque chose à la main.
– Au fait je m’appelle Vroum, dit le beau parleur en profitant de la porte restée ouverte pour s’enfuir.
– Moi c’est Bzee, eut elle le temps de lui répondre, piquant vers le sol, engourdie par le nuage qui a envahi la pièce, voyant ses petits clones tomber comme des mouches.